La position en mer d’un bâtiment a toujours été un problème crucial, à la fois pour suivre sa route, éviter les dangers des récifs et arriver à destination.
Dans les temps anciens, on était obligé de naviguer « à l’estime »: en partant d’un point observé, on tentait d’évaluer sa position en s’aidant de sa route, mesurée à l’aide d’un compas et de sa vitesse, mesurée par un loch. Le résultat restait toujours approximatif du fait de la difficulté de connaître de façon exacte la dérive du bateau due aux vents et aux courants.
Certains chanceux pouvaient se faire aider de portulans, ces précieux relevés des côtes et des dangers, dont les capitaines-pilotes échangeaient certaines informations, parfois à prix d’or.
Quelques indications empiriques annoncent souvent l’approche de la terre
comme l’apparition d’insectes, d’oiseaux, d’odeurs ou la couleur de l’eau. Le plus usuel consistait, en tout état de cause, à mesurer, à l’aide d’une sonde manuelle, la profondeur de l’eau en la comparant aux indications plus ou moins exactes dont on disposait.
Bref, la nécessité s’est vite imposée de situer sa position sur le globe de façon plus scientifique et celle-ci a été définie par deux coordonnées mesurées en degrés et minutes d’angles : la latitude et la longitude.
Repérée de 0 à 90 degrés, la latitude est ou Nord ou Sud selon que l’on se trouve au Nord ou au Sud de l’équateur qui définit la latitude 0. Elle augmente graduellement jusqu’à 90 degrés en allant vers les pôles.
Elle a été le plus anciennement mesurée par une simple visée que les navigateurs ont faite à l’aide de divers instruments. La méthode consiste à mesurer la hauteur du soleil au-dessus de l’horizon au moment où il est à son zénith. Comme ce moment représente, par définition, le midi local, la mesure s‘appelle la méridienne. Une fois cette mesure précise effectuée, un calcul très simple à partir de tables, appelées « éphémérides », permet de déterminer sa latitude exacte selon l’équation : L = 90 – h + d dans laquelle L représente la latitude, h la hauteur du soleil au dessus de l’horizon et de la déclinaison du soleil, c’est-à-dire l’inclinaison du plan équatorial de la terre par rapport au plan joignant les centres de la terre et du soleil, le plan de
l’écliptique.
Cet angle varie tous les jours: il est maximum (23° 26’) aux solstices les 21 juin et 21 décembre et devient nul aux équinoxes les 21 mars et 21 septembre.
Jusqu’à ce que l’on connaisse la déclinaison qui est fonction de la date, on se contentait de suivre un parallèle en gardant chaque jour le soleil à son zénith sous le même angle.
Dans l’hémisphère Nord, on se positionnait aussi souvent grâce à l’étoile polaire que l’on tentait de garder sous le même angle pour rester sur le même parallèle. De nombreux instruments se sont ainsi succédés, tous pour obtenir des angles.
Les Vikings, les premiers à découvrir l’Amérique, utilisaient un principe semblable. Lors des premiers voyages vers l’Ouest qui, les uns après les autres, agrandissaient le champ d’expérience des navigateurs, on installait sur le pont un bac, rempli d’huile pour obtenir un plan horizontal stable, au-dessus duquel on mettait à flotter une rondelle de bois. Sur cette dernière, et tout le long de son diamètre, était
perpendiculairement fixée une planchette formant un angle d’une soixantaine de degrés par rapport à l’horizontale correspondant globalement à la latitude de départ, disons celle de Bergen. L’observateur suivait ainsi, dans le prolongement de la planchette, l’angle que faisait le soleil sur l’horizon : si le soleil était trop en dessous, on était trop nord ou l’inverse dans le cas contraire. On pouvait ainsi
vérifier sa position et faire route sur un même parallèle.
La mesure de la longitude au départ beaucoup plus complexe, fut aussi plus tardive. Une première méthode par les distances lunaires engendrait des calculs longs et difficiles. La mesure se trouva par la suite considérablement simplifiée avec l’apparition du garde-temps.
Cette dernière repose sur une découpe de la terre en 24 sections, comme les quartiers d’une orange, et comptés à partir d’une tranche de référence, ligne imaginaire joignant les deux pôles et passant par Greenwich: la longitude qui définit l’écart angulaire entre un lieu et le méridien de référence est ainsi mesurée à partir de là en degrés, Ouest ou Est, de 0° à 180°. Comme la terre tourne sur elle-même en 24 heures, chaque quartier d’orange correspond à 1 heure, soit 360°/24 =15°.
Pour mesurer cette longitude, il faut encore utiliser un instrument de type sextant, mais également un chronomètre dont l’exactitude doit être très grande, une erreur d’une minute de temps se traduisant, en effet, par une erreur de plusieurs milles nautiques, l’unité de distance en mer qui vaut 1,852 mètres. La différence de temps entre le passage du soleil à son zénith à Greenwich, indiquée par le chronomètre marquant midi, et à l’endroit où on effectue la visée permet donc de déterminer sa longitude.
A partir de là, au XIXème siècle, la quasi totalité des capitaines de toutes les marines du monde embarqueront à bord avec leur propre chronomètre et leur sextant personnel. Ces objets de grande précision, embarqués maintenant en seul cas de secours, font désormais le
bonheur de collectionneurs avisés.
Dans la pratique la bonne vieille méthode du calcul du point par l’obtention de deux droites de hauteur par deux visées successives à partir de son point estimé est passée au rancart. Tellement plus simple : dès la fin du XXème siècle s’est généralisé un nouveau positionnement par satellite, précis au mètre près avec le « Global Positioning System« .
.Dominique DELALANDE