L’homme, depuis la nuit des temps, sait compter les jours : le fait de voir l’aube se lever lui suffisait pour comprendre qu’il entrait dans un autre jour.
De la même façon, il savait que le soleil montait au dessus de l’horizon pour décliner ensuite après être passé par son méridien (le midi vrai à l’endroit du lieu d’observation).
En contact direct avec la nature, le paysan ajustait ainsi l’heure de sa pause-repas, tout comme, sur un navire, le navigateur, où qu’il était, se contentait de vivre à bord à l’heure solaire.
Précieux pour le paysan, le calendrier lunaire, l’était au moins également autant pour le marin avec ses conséquences sur les marées en relation directe avec les phases de la lune.
On sait que, à l’inverse du jour sidéral, le jour solaire à une durée variable selon l’époque de l’année et qu’il est en moyenne plus long que le jour sidéral d’environ 4 minutes. C’est pour cette raison que les astronomes ont inventé le jour civil, un jour solaire moyen d’une durée exact de 24 heures.
A partir de 1760, la nouvelle donne avec l’arrivée progressive des chronomètres « garde-temps » permit aux marins de se caler en longitude de façon simple. Jusque là et pendant des siècles, ils se contentaient de vivre à l’estime du soleil et à l’heure d’horloges à sable pour mesurer le temps et ponctuer les quarts : les sabliers.
Ces instruments se composent de deux fioles coniques de verre transparent reliées entre elles par un assemblage de fils. Entre les deux, un trou calibré permet l’écoulement de différentes matières : sable, coquille d’œuf, corail ou brique pilés. Le tout, disposé verticalement pour l’écoulement, est encadré par des colonnettes reliant deux plaques horizontales identiques destinées à poser l’instrument.
Tous ne furent pas destinés à l’usage en mer où les sabliers, en bois ou en laiton, avaient principalement les deux fonctions suivantes :
L’une permettait de donner l’heure à bord de façon audible. Au moment précis de la culmination du soleil, le timonier piquait quatre coups doubles et retournait le sablier d’une demi-heure. Il piquait ensuite un coup de cloche à chaque retournement et deux coups à chaque heure ronde.
La vie s’organisait ainsi autour de ces sons qui valaient commandement. Ces sabliers restèrent en usage du XVIIe siècle jusqu’au début du XXe siècle.
L’autre sablier, « l’ampoulette », était tout petit et d’une durée d’une demi-minute. Il permettait des mesurer le temps que mettait une planchette de bois pour glisser tout le long du navire pour en déterminer la vitesse.
Pour la bonne règle mentionnons encore le sablier de quatre heures, dit « de combat », pour le cas où, du fait de l’agitation consécutive, le timonier en oublierait de retourner son sablier …
Mais à l’évidence il existe, pour les terriens, d’autres types de sabliers. Certains sont encore en usage, pour cuire les œufs.
D’autres furent fabriqués dans des matières luxueuses, en ivoire, argent ou autre. On peut ranger dans cette catégorie les fameux sabliers dits en « buffets d’orgue » qui peuvent aligner à l’horizontale jusque quatre assemblages pouvant pivoter ensemble autour d’un même axe et qui permettait de mesurer, par quart d’heure, une heure de temps. Parfois montés sur des panneaux muraux joliment sculptés, ils sont, en effet, réglés pour se vider chacun successivement au bout d’un quart d’heure, une demi-heure, trois quarts d’heure et une heure.
Au XIXème siècle, les verriers prirent l’habitude de fabriquer de nouveaux types de capsules en pinçant au centre des cylindres de verre et ne faire ainsi qu’une seule fiole qu’ils refermaient ensuite par le dessus après remplissage. Les collectionneurs ne s’y trompent pas et ces sabliers tardifs, sont moins prisés que les précédents.
Les photos qui illustrent ce texte sont celles d’un sablier anglais de marine, 1760, H : 21 cm, d’un petit sablier, à décor princier, Flandres, 17e s. h : 12,70 cm, et d’ un sablier de marine, à une ampoule, durée une demie-heure, 19es, h : 22cm.
Dominique DELALANDE