L’étymologie du mot nous vient du grec “astrolabos”, le preneur d’étoiles, c’est-à-dire un instrument qui sert à prendre la hauteur des étoiles dans le ciel.
Il représente une carte de la voûte céleste nord vu depuis le Pôle Sud et correspondant à une projection stéréographique de la sphère céleste sur l’Equateur. En géométrie, la projection stéréographique est une projection cartographique azimutale permettant de représenter une sphère sur un plan. Il est facile de faire le parallèle avec une carte géographique qui, vu du ciel, est une projection du globe terrestre sur une surface plane.
C‘est donc ce que verrait un observateur situé au Pôle Sud et dont l’oeil viserait dans la direction du Pôle Nord avec pour plan de projection celui de l’Equateur, la Terre étant considérée comme totalement invisible. Sur cette surface plane, on fera apparaître, dans un premier temps, trois cercles concentriques correspondant successivement, du plus grand au plus petit, aux tracés du Tropique du Capricorne, de l’Equateur et du Tropique du Cancer. Viendront ensuite s’ajouter des arcs de cercles correspondant à un découpage de la voûte céleste en lignes d’égale hauteur puis des lignes d’azimut.
Ses origines remontent aux astronomes grecs : Eudoxe de Cnide, Hipparque et enfin Ptolémée qui, dans son “Almageste”, décrit la projection stéréographique qui est à la base de sa construction.
Les premières descriptions de l’astrolabe reviennent à Théon d’Alexandrie vers l’an 375 et à Jean Philopon vers l’an 540.
L’entrée des Arabes en Egypte au VIIIème siècle, provoque alors le transfert de l’enseignement d’Alexandrie à Antioche, ville de départ de la route de la soie à la frontière turco-syrienne, puis à Harran au nord de la Mésopotamie au IXème, d’où la science sera ensuite transmise à la Perse et l’Inde du Nord-Ouest.
Bagdad ouvre une académie en 813.
L’astrolabe de Philopon ne comportait qu’un seul réseau de courbes qu’on appelera dès lors les almucantarats. A ces courbes de hauteurs égales, se verra adjoindre un deuxième réseau, celui des cercles d’égal azimut pour permettre de s’orienter dans le désert.
Le musée du Koweit détient l’astrolabe complet le plus ancien connu qui date de 928.
L’école hispano-mauresque se développe au VIIIème siècle à la suite de la pénétration des Arabes en Afrique du Nord en 647 et de l’invasion de l’Espagne en 710 provoquant la création d’un important foyer culturel à Cordoue. L’astrolabe le plus ancien de cette école fut construit à Tolède en 1029.
Fez n’est pas en reste avec l’invention du Quadrant (1038 – musée de Fez) qui se présente comme la réduction d’un astrolabe circulaire à l’un de ses quarts.
La projection stéréographique sur le plan tangent au pôle des astrolabes ordinaires (qui fait avec l’horizon de chaque lieu un angle variable, nécessitant ainsi plusieurs tympans pour des latitudes différentes) est remplacée par une projection stéréographique sur le plan du colure des solstices. Ce procédé est mis au point par Arzachiel au XIème siècle sous le nom de saphaea et sera ultérieurement repris en Europe vers 1550 par Gemma Frisius.
Notons ici que tous les astrolabes hispano-mauresques sont gravés en caractères koufiques, écriture arabe ancienne qui s’oppose à l’écriture cursive, tracée à la plume de roseau.
Ils ont ceci de commun avec les astrolabes gothiques qu’ils sont établis sur la base d’une année correspondant au calendrier Julien (basé sur le Soleil).
Pour mémoire, rappelons que le calendrier hégirien, basé sur les phases de la Lune, débute avec le départ de La Mecque des compagnons de Mahomet, en 622 après J.-C., vers l’oasis de Yathrib, ancien nom de Médine en Arabie Séoudite actuelle. L’année actuelle du calendrier hégirien est 1437 AH Anno Hegirae, qui s’étale du 14 octobre 2015 au 2 octobre 2016 AD Anno Domini. Ainsi le 6 mars 2016 AD correspond au 26 Joumada Al-Awwal 1437 AH.
Quel qu’ils soient, les astrolabes sont basés sur la configuration du ciel à la date de leur réalisation: ce point est essentiel pour permettre de déterminer la date de construction d’un astrolabe qui représente la configuration du ciel de son époque.
On sait que notre planète Terre tourne autour d’elle-même sur un axe passant par ses pôles et l’étoile polaire. Or cet axe dévie de 1 degré tous les 71,6 ans à cause de la précession des Equinoxes, la Terre se comportant comme une toupie, ce qui provoque un décalage dans le temps. Ce phénomène, connu au moins depuis le deuxième siècle avant Jésus-Christ et décrit par Hipparque, permet d’aider à établir la datation d’un astrolabe. En effet, ce dernier doit être le reflet du ciel de son époque de fabrication avec une bonne position des étoiles figurant sur l’une des deux parties mobiles de l‘astrolabe à qui a été donné le nom original d’araignée, à cause de sa forme et de sa rotation sur une grille (le tympan gradué) rappelant une toile d’araignée.
Mais n’anticipons pas ici car nous reviendrons ultérieurement sur tout ceci avec un descriptif des éléments constitutifs de l’astrolabe et la façon de pouvoir s’en servir.
D’ores et déjà et nous allons en terminer là avec ce dernier point : sous une même latitude, une étoile se retrouve former un même angle avec l’étoile polaire de façon régulière. L’équation est à 3 inconnues (la date d’observation, l’heure et la hauteur de l’étoile sur la voûte celeste) avec ceci d’extraordinaire que deux de ces données permettent automatiquement d’obtenir la troisième.
C’est cette observation des Anciens qui a provoqué l’invention de cet instrument d’exception.
.Dominique DELALANDE