Le bateau dans son contexte historique :
AMERAMI possède un bateau d’aviron, très ancien, en bon état, extrêmement élégant, actuellement exposé à Caen. Il s’agit d’une Yole 1850. Ce genre d’embarcation est le résultat d’une évolution dans le genre et comme on va le voir, d’une mode.
Autrefois nous connaissions les bateaux à rames avec les passeurs, les mariniers et autres métiers du bord de mer. Ils sont seuls pendant longtemps à pouvoir profiter de la beauté des rives et du calme de nos rivières. Dans notre pays, à l’époque de Charles X, on retrouve l’agrément des promenades sur l’eau … Après les troubles de la Révolution, du Consulat et de l’Empire, le calme revient enfin. Mais une nouvelle mode voit le jour, du même genre que celle des courses hippiques, et autres promenades à cheval, qui touche toute une société, à Paris surtout, et dans certaines villes en province. Mais cette mode « équestre » est de fait réservée à une fraction aisée de la population. Par contre le canotage, alors relativement peu pratiqué, ou sur des embarcations peu adaptées, voit le jour. Cette activité touche la masse de la population et permet à ses adeptes de satisfaire leur besoin d’exercice physique. La promenade dans les campagnes était limitée aux abords immédiats de la Capitale, le train est un moyen de transport trop récent, la bicyclette n’est pas née. C’est pourquoi, pour tous, les rivières et le canotage sont une découverte qui saisit aussitôt toute la société.
Les premières embarcations d’avirons, nées sur la Seine au premier quart du 19e siècle, venaient de ROUEN ou du HAVRE. Fabriqués dans les chantiers de la marine marchande leur solidité et leurs formes lourdes étaient peu en rapport avec nos cours d’eau. Les règlements en vigueur n’acceptaient au début que quelques canots à quille, que quelques amateurs bien connus pouvaient utiliser. On pensait à l’époque, que le bateau à fond plat était plus stable que le bateau à quille. Quand cette opinion erronée eut disparu, des améliorations furent perceptibles et divers chantiers virent le jour dans la région parisienne.
Vers 1830, apparaissent les ténors du canotage, hommes des arts et des lettres et le passeur, où le meunier et les indigènes des banlieues, situées alors à ce qui semblait une grande distance de Paris, virent un jour débarquer devant leurs auberges un jeune homme des plus originaux qu’il se puisse trouver. Il s’agissait d’Alphonse Karr qui lançait son premier canot « la Langouste », à rayures oranges et noires, et qui avait été construit au pont Notre-Dame. Ce célèbre auteur âgé alors de 27 ans vient d’écrire un roman que dévore toute l’Europe « Sous les Tilleuls ». Boxeur, nageur endurant, sportif inépuisable, il bat chaque jour son concierge, trop lent à lui monter son courrier. Son barreur est l’inséparable L. Gatayes, autre original, humoriste en action, chroniqueur de sport, écuyer modèle, guitariste et harpiste distingué, causeur incomparable. Théophile Gautier rejoint rapidement Karr et Gatayes ; ce grand poète, si remarquablement patient dans la vie ordinaire, bénéficie d’une musculature impressionnante. Lutteur de premier ordre, boxeur truculent, ce romantique acharné, était un cavalier accompli. S’il prend le bateau au Quai d’Orsay, pour respirer le bon air, il va jusqu’au Havre. En ses remarquables déplacements, le canot de Gautier se nomme l’ « Elan », quel nom approprié ! Alphonse Adam, Louis et Théodore Gudin, Victor Deligny et beaucoup d’autres font partie de ceux qui en avant-garde lancent la mode des promenades en rivière et celle du canotage.
Exploitation :
Quelques temps plus tard, la région de Paris, à elle seule, compte plus d’embarcations de sport que tous les ports de France : 2000 unités, 10000 rameurs et trente chantiers de construction. C’est le mouvement « canotier » dont Asnières et Bercy ont été les lieux principaux. Cette apparition subite, créée par un ensemble très réduit d’artistes, de chroniqueurs et d’écrivains, sans doute sur le modèle de l’Angleterre, frappe d’abord la Normandie avant de devenir une parfaite folie dans la région parisienne. Lyon, Reims, Bordeaux sont atteintes plus tard. Le canotage touchant toutes les classes sociales se divise évidemment en deux catégories, celle de la balade pour les amateurs de nature et de grand air, et celle du sport pour les rameurs distingués issus de l’aristocratie et de la bourgeoisie aisée qui conçoit le mouvement sportif de l’aviron français, fondant les premières sociétés et organisant les premières courses. En 1850, les règlements de police prescrivaient que les canots doivent avoir comme largeur, le quart de la longueur, ainsi un canot de 8m avait 2m de large, il était dénommé canot-yole. Exploitation Celle d’AMERAMI est d’une longueur de 7,50m, prévue pour trois rameurs et est l’image parfaite de ce que le canotage pouvait être au milieu du 19e siècle. Elle est déposée dans le hangar d’ Amérami à Caen.